La pluralité des expériences historiques dans le passé du Québec et du Canada points de vue des historiennes et historiens universitaires

Résumé

Comment la communauté historienne québécoise considère-t-elle l’écriture d’une histoire du Québec et du Canada plurielle et plurivoque? Afin de répondre à cette question, cet article présente les résultats d’une enquête qualitative menée auprès de 22 historiens et historiennes du Québec. Il poursuit les trois objectifs suivants : établir les limites du concept de pluralité des expériences historiques dans le passé « national »; identifier le potentiel et les défis que pose cette pluralité à l’écriture de l’histoire; recenser les propositions de représentations synthétiques d’un passé témoignant des multiples expériences historiques. Les résultats montrent une communauté historienne qui, tout en étant sensible aux enjeux de la diversité, pose certaines conditions à l’intégration de cette perspective. Des paramètres méthodologiques (rigueur et accès aux sources) et épistémologiques (sens de l’histoire et paradigmes de référence) sont énoncés par les participants et participantes comme appui à leur posture critique. Au terme de l’analyse, force est d’admettre que deux sous-groupes se distinguent au sein de la communauté historienne québécoise. Le premier sous-groupe se dit attaché au récit national canadien-français ou québécois ainsi qu’à la trame politique traditionnelle ou à une version modifiée de celle-ci. Pour lui, la diversité ethnoculturelle et les expériences des Premiers peuples soulèvent des réticences plus marquées. Le deuxième sous-groupe est, au contraire, enclin à faire éclater les cadres nationaux pour mieux embrasser les multiples trajectoires des populations composant les sociétés québécoises et canadiennes. Il semble plus ouvert au travail interdisciplinaire et à l’usage de sources et méthodes alternatives (ex. histoire orale). Le débat entre les deux sous-groupes n’est, à l’évidence, pas terminé, et son analyse permet par conséquent de mieux mesurer les défis auxquels est confrontée l’écriture contemporaine de l’histoire du Québec et du Canada.